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Itinéraire adolescent : de la famille au groupe de pairs

La prime adolescence, qui s’étend généralement de 12 à 15 ans, est un temps spécifique où se nouent des amitiés qui permettent à l’adolescent de progresser sur le plan de la socialisation. Ces amitiés sont pour lui narcissiquement rassurantes et sécurisantes, car il trouve dans le groupe de pairs le réconfort et dans le conformisme du groupe refermé sur lui-même un substitut de famille. Dès le début de l’adolescence, les pairs deviennent donc des agents de socialisation essentiels, dans la mesure où le désinvestissement des images parentales conduit l’adolescent à rechercher auprès de partenaires semblables les fondements de son estime de soi.

Relations adolescentes

La prime adolescence, qui s’étend généralement de 12 à 15 ans, est un temps spécifique où se nouent des amitiés qui permettent à l’adolescent de progresser sur le plan de la socialisation. Ces amitiés sont pour lui narcissiquement rassurantes et sécurisantes, car il trouve dans le groupe de pairs le réconfort et dans le conformisme du groupe refermé sur lui-même un substitut de famille. Dès le début de l’adolescence, les pairs deviennent donc des agents de socialisation essentiels, dans la mesure où le désinvestissement des images parentales conduit l’adolescent à rechercher auprès de partenaires semblables les fondements de son estime de soi. 

Les liens d’amitié ont sur les liens familiaux l’avantage de ne pas être imposés, mais d’être choisis et temporaires. 

Se détournant des modèles familiaux, l’adolescent cherche des modèles relais pour sa prise d’autonomie. À travers ses semblables, il cherche à « se trouver », découvrir ce qu’il est et qui il est. Pierre Coslin constate que le vide causé par le désinvestissement des objets parentaux provoque une certaine angoisse chez l’adolescent ; une angoisse qu’il va tenter d’éliminer en investissant sa libido dans un groupe de pairs. Pour l’adolescent, le groupe devient un substitut temporaire des objets d’amour qui représente pour lui une étape vers l’indépendance, l’autonomie et l’émergence de son identité personnelle[1].

Jusque-là, l’enfant était dépendant de sa famille pour ce qui concerne son mode de pensée, ses valeurs, ses représentations et sa conception du monde. Dans l’obligation de se détourner des modèles familiaux, mais encore inapte à organiser ses conduites, l’adolescent se rend dépendant du groupe de pairs. Il s’agit, en fait, d’une réelle opportunité puisque le groupe lui fournit non seulement une forme d’identité collective, mais aussi un « prêt à penser » et un « prêt à se comporter »[2].

L’adolescent accomplit donc un mouvement visant, d’une part à se différencier de ses parents, et d’autre part à se conformer à ses pairs afin de se décharger de son angoisse, se rassurer, reprendre confiance en lui-même et se situer. Comme le confirme Françoise Dolto, l’adolescent se crée une image idéale de lui-même fondée sur les critères de son groupe, ses modes, sa morale et ses valeurs. Le sentiment de beauté ou de laideur dépend de la distance qui le sépare de cette image idéale. En suivant la mode de son groupe de pairs, l’adolescent s’affirme, mais aussi se rallie et s’intègre au groupe ; un groupe dans lequel il se sent à l’abri[3].  

Selon Erik H. Erikson, les groupes de pairs et les stéréotypes qu’ils s’imposent à eux-mêmes permettent aux adolescents de s’entraider temporairement à passer par les malaises liés aux changements qu’ils subissent[4]. Berthe Reymond-Rivier relève que l’appartenance à un groupe de pairs se manifeste généralement par une « excentricité dans le conformisme ». Conformisme au groupe, mais excentricité vestimentaire, comportementale, de langage, d’écriture, d’idées par rapport aux adultes dont ils se veulent différents. Par exemple, chaque génération d’adolescents a son langage, son vocabulaire propre, mais aussi son écriture excluant les adultes. Les textos des adolescents relèvent souvent d’un langage volontairement secret, hermétique. Le groupe a, d’ailleurs, toujours des exigences identificatoires très fortes qui ne manquent pas de s’imposer à chaque adolescent qui le rejoint. C’est ainsi que, plus l’adolescent doutera de son identité, plus il s’identifiera à l’image affirmée par le groupe[5]. Daniel Marcelli parle littéralement de « prosélytisme » du groupe qui exige habituellement un mimétisme indiscutable. L’on constate, par exemple, que beaucoup de comportements déviants trouvent leur origine dans la pression conformiste du groupe[6].

Concrètement, ces ressemblances évidentes au sein d’un groupe s’expliquent encore de plusieurs manières. 

  • Tout d’abord, par le processus de sélection qu’effectue le groupe. N’entre pas qui veut dans la bande. L’accueil se fait à partir de similarités constatées. Les membres du groupe n’admettent que ceux qui leur ressemblent. Mais ce n’est pas tout, car à ce premier processus, s’en ajoute un autre, que l’on pourrait qualifier de socialisation par influence. « Les mauvaises compagnies corrompent les bonnes mœurs », écrivait l’apôtre Paul en 1 Corinthiens 15,33. Le premier mode d’influence que Richard Cloutier relève est, comme nous l’avons montré plus haut, la pression directe des amis[7]. Il est, en effet, pratiquement impossible de résister à la pression directe de personnes à qui l’on veut plaire, à qui l’on veut ressembler, de qui l’on veut se faire accepter. Les probabilités sont grandes qu’un adolescent qui fréquente des pairs délinquants commette des actes délinquants. 
  • Le second est la modélisation des comportements. La simple observation des membres du groupe (surtout s’ils ont un statut élevé) donne à l’adolescent des indications claires sur ce que doit être sa façon de s’habiller, de parler et de se comporter. Son désir d’être accepté fera le reste. 
  • Le troisième est la régulation normative. Les taquineries, les blagues, les rumeurs et les médisances créent efficacement des normes sur ce qui est souhaitable ou pas au sein du groupe, sans qu’aucune pression directe ne soit exercée. 
  • Enfin, le dernier mode d’influence est la structuration des occasions. En effet, le fait d’être en groupe offre à l’adolescent des occasions d’expérimentation et de prise de risques qu’il n’aurait pas s’il était seul. Sélection et socialisation par influence expliquent certainement les similitudes constatées au sein d’un groupe de pairs, sans qu’il soit néanmoins possible d’en préciser les rôles respectifs. Qui peut dire si un adolescent a été influencé par les autres ou s’ils se sont influencés mutuellement ? Dans les groupes de pairs, les deux processus sont à l’œuvre de manière indéterminée.

 

Précédant l’influence du groupe de pairs, Françoise Dolto remarque que les jeunes adolescents forment quelques fois le tandem des contraires. Sans doute recherchent-ils une certaine complémentarité dans laquelle, les disgrâces de chacun se neutralisant, leur mal-être s’atténue[8]. C’est ainsi que, par exemple, les grands ne se montrent qu’avec des petits et les gros qu’avec des maigres. Cependant, ces tandems résistent difficilement à la pression du groupe qui, tôt ou tard, ne manque pas de les contraindre à des relations plus uniformes.

 

Toutes ces considérations sur les groupes de pairs pourraient nous faire croire que, chez le jeune adolescent, les valeurs familiales sont dès lors complètement remplacées par celles des amis. Dans les faits, il n’en est rien puisqu’il apparaît dans plusieurs recherches que les zones d’influence de la famille et des amis demeurent assez différentes[9]. L’opinion des amis est plus importante en ce qui concerne notamment la musique, les films, la mode vestimentaire, tandis que l’opinion des parents a plus d’influence pour ce qui touche à la scolarité, au choix professionnel, aux valeurs morales, à l’explication des réalités sociales. Par ailleurs, les parents conservent un certain pouvoir sur le choix des amis de leur adolescent ; un choix qui est influencé de manière indirecte, mais déterminante par la qualité de la relation qu’ils entretiennent avec leur adolescent, leur supervision de ses activités, leurs conseils et leur ouverture à ses amis. « En fait, les adolescents tendent à s’associer avec des amis qui partagent leurs valeurs, et ces dernières sont influencées par le contexte familial. »[10]

Cet article est extrait du livre :

DAVI, Luigi, La foi à l’adolescence, Enseigner et conduire à Christ l’âge de tous les possibles, Charols, Éditions Excelsis, 2018, 307p.

À un âge où l’expérience compte plus que tout, l’accompagnement chrétien des adolescents n’a pas le droit à l’erreur, ni dans ses objectifs ni dans ses moyens. Dans sa première partie, ce livre s’adresse à tous ceux qui – parents, catéchètes, animatrices et animateurs, responsables – souhaitent mieux comprendre les adolescents, leurs besoins et leurs préoccupations, et établir avec eux une communication de qualité. Dans la deuxième partie, théologique et pédagogique, les lecteurs sont guidés pas à pas vers un enseignement biblique créatif susceptible d’avoir un réel impact sur la vie des adolescents d’aujourd’hui.

Du même auteur :

DAVI, Luigi, TrekSpi Théo1, 10 padilabi pour animer des groupes de 12-17 ans, Charols, Éditions Excelsis, 2019, 178p.

Ce livre se propose d’emmener vos adolescents dans une randonnée passionnante, un « trek spirituel », à travers dix thèmes fondamentaux de la théologie chrétienne. Car la foi a un contenu, puisqu’on ne peut croire sans connaître, s’engager sans réfléchir, choisir sans avoir rencontré. Voilà pourquoi le savoir enseigné et expliqué dans ce livre mènera vos adolescents à la découverte de Jésus-Christ et à sa rencontre pour un engagement de vie.

 

 

[1]COSLIN, Pierre, G., Psychologie de l’adolescent, 3e édition, Paris, Armand Colin, 2010, p. 188.

[1]ROUSSEAU, Frédéric, « Camaraderie et amitiés », dans NETCHINE, Serge, (dir.), Enfants, adolescents : Approches psychologiques, Paris, Éditions Bréal, 1998, p. 175.

[1]DOLTO, Françoise, et al.,Paroles pour adolescents ou le complexe du homard,Paris, Gallimard, 2007, p. 28-29.

[1]ERIKSON, Erik H., Adolescence et crise. La quête d’identité,Paris, Flammarion, 1972, p. 138.

[1]REYMOND-RIVIER, Berthe, Le développement social de l’enfant et de l’adolescent, Sprimont, Belgique, Pierre Mardaga Éditeur, 1997, p. 135-138.

[1]MARCELLI, Daniel, « Désirs d’indépendance », Science et Vie, Paris, 188 (septembre 1994), p. 52..

[1]CLOUTIER, Richard et Sylvie DRAPEAU, Psychologie de l’adolescence,3e édition, Montréal, Québec, Les Éditions de la Chenelière, 2008, p. 199-200. Voir GIFFORD-SMITH, M., DODGE, K. A., DISHION, J. T. et Mc CORD, J., “Peer Influence in Children and Adolescents : Crossing the Bridge from Developmental to Intervention Science”, Journal of Abnormal Child Psychology,33 (3), 2005, p. 255-265.

[1]DOLTO, Françoise, La cause des adolescents. Respecter leur liberté et leurs différences,Paris, Éditions Robert Laffont, 1988, p. 74.

[1]CLOUTIER, op. cit.,p. 200. Voir COLEMAN J.C. et HENDRY, L., The Nature of Adolescence, London, Routledge, 1990 ; COLLINS, A. W., MACCOBY, E.E., STEINBERG, L., HETHERINGTON, M.E. et BORNSTEIN, M.H., « Contemporary Research on Parenting : The Case for Nature and Nurture », American Psychologist, 55 (2), 2000, p. 218-232.

[1]Ibid, p. 201. Voir BOGENSCHNEIDER, K., WU, M.Y., RAFFAELLI, M. et TSAY, J.C., « Parent Influences on Adolescent Peer Orientation and Substance Use : The Interface of Parenting Practices and Values », Child Development, 69 (2), 1998, p. 1672-1688 ; LADD, G.W., et PETTIT, G.S., « Parenting and the Development of Children’s Peer Relationships », dans BORNSTEIN, M.H., (dir.), Handbook of Parenting, vol. 5, Mahwah (N.J.), Lawrence Erlbaum Associates, 2002 ; MOUNTS, N.S., “Adolescents Perceptions of Parental Management of Peer Relationships in an Ethnically Diverse Sample”, Journal of Adolescent Research, 19 (4), 2004, p. 336-467.

La Fédération Nationale des Associations Familiales Protestantes a pour mission de représenter, de défendre, les familles issues de la réforme ainsi que toutes celles qui se retrouvent dans ses valeurs. Localement, ce sont un peu plus de 160 175 AFP qui développent des actions de solidarité familiale, qui gèrent des établissements scolaires, des centres de loisirs, animent des ateliers à la parentalité, prennent soin de leur prochain.

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