Fédération Nationale des AFP

Face aux situations de demande de suicide assisté : Que faire ?

            En plein débat sur le sujet délicat de l’euthanasie, quel positionnement peuvent avoir les familles protestantes et évangéliques ? Les AFP, représentant plus de 15 000 familles, demeurent sensible à ce sujet qui vient interroger notre société. Les AFP exprime leur positionnement dans cette article. Certaines pistes d’action sont proposées pour faire face aux demandes de suicide assisté.

L’année 2023 sera une année où le débat sur la fin de vie aboutira ou pas sur de nouvelles lois. Autorisée dans certains pays comme la Belgique, l’euthanasie (appelée aussi aide active à mourir ou suicide assisté) est-elle une solution aux différentes problématiques de la fin de vie ? Certains invoquent le droit de mourir dans la dignité, d’autres l’interdit fondamental de tuer.

            Comme de nombreux sujets de bioéthique, la prise de parti « pour ou contre » ne répondra jamais aux questions de fond. L’objectif de toute réflexion est de conduire à des actions porteuses répondant aux intérêts des familles. Pour cela, il est nécessaire de prendre en considération les deux axes suivants : 

  • l’ensemble des réalités vécues par les familles concernées.
  • Les valeurs et principes issus des Écritures qui construisent la personne et ses liens avec les autres.

Un exemple biblique d’euthanasie

            De tout temps, des personnes en situation de détresse morale ou physique ont désiré leur propre mort. 

            Saül, le premier roi d’Israël, exprima sa volonté de mourir dans un contexte tragique. Il  l’a réclamera à son porteur d’arme. L’homme de pouvoir ne voulait surtout pas tomber entre les mains de ses ennemis. 
Le soldat refusa d’exécuter l’acte réclamé mais Saül trouva une autre personne pour l’aider à mourir.

La Bible nous relate l’événement ainsi :

— Je me trouvais justement sur le mont Guilboa ; Saül était appuyé sur sa lance, tandis que les chars et les cavaliers allaient latteindre. S’étant retourné, il ma aperçu et ma appelé. Jai répondu : « Oui, je viens ! »

Alors il ma demandé : « Qui es-tu ? » Jai dit : « Je suis un Amalécite. »

Alors il ma ordonné : « Approche-toi et donne-moi la mort, car je suis pris dun malaise bien que je sois encore plein de vie. »

Je me suis approché de lui et je lui ai donné un coup mortel parce que je savais quil ne survivrait pas à sa défaite. Puis jai enlevé la couronne de sa tête et le bracelet quil avait au bras. Les voici, je te les apporte, mon seigneur. » (2Samuel 1/6-10)

Pourquoi la demande d’euthanasie ?

« Approche-toi et donne-moi la mort »
Il est nécessaire de mieux comprendre le pourquoi du désir de mourir. Pour cela nous pouvons nous poser deux grandes questions :            
1- Qui est à l’origine de la demande ?

            Même si une personne réclame la mort cela ne veut pas dire qu’elle en est totalement à l’origine. Il ne faut pas omettre la réalité de l’influence de son entourage proche et des courants favorables à l’euthanasie.

            Tout individu fait parti de plusieurs groupes. Il y a sa famille, ses amis, sa communauté (religieuse et culturelle), la société… Il faut donc aborder la personne en considérant tous ceux qui gravitent autour de lui.

            L’important est d’être à l’écoute des uns et des autres afin de comprendre le processus qui conduit au désir de mourir. Il est nécessaire de s’intéresser autant à la personne concernée qu’à son entourage.

2- Quels sont les facteurs déclencheurs de la demande ?

            Le récit des derniers jours du roi Saül illustre trois facteurs déclencheurs d’une demande d’aide active à mourir. 

  • Une position existentielle mortifère : 
    « je suis pris d’un malaise  bien que je sois encore plein de vie. » / « tout le combat se concentra sur Saül. Les archers le découvrirent et il en fut très terrifié. » 1Samuel 31/3
    Lorsque apparement la vie n’a plus de sens, envisager la mort semble préférable. 
    Bien qu’encore vivante la personne ne ressent que la mort en elle. Ses incapacités, ses souffrances et ses angoisses lui rappellent que son présent n’a aucune raison d’être vécu.
    Pourquoi donc continuer de vivre alors que son existence n’est que mort ?

    • Une absence d’avenir
      « Je me suis approché de lui et je lui ai donné un coup mortel parce que je savais quil ne survivrait pas à sa défaite. »
      La certitude qu’aucune amélioration n’est envisageable influence fortement la demande de mourir. Les diverses informations se regroupent en un seul message : il n’y a pas d’avenir pour toi !
      L’impossibilité de se projeter demain ne peut que provoquer le désir d’en finir avec cet aujourd’hui qui se répète sans cesse.
      Quand notre chemin de vie n’est qu’une impasse sans demi-tour possible, nous ne pouvons que vouloir dire stop à la vie.

    • Un sentiment d’isolement
      Saül était entouré d’une grande armée. Mais, devant la défaite annoncée, il demeure seul. Il est isolé dans sa réflexion et ses émotions.
      Nombreux sont ceux qui, aujourd’hui, sont isolés dans le combat face à leur propre détresse.
      L’apport des soutiens professionnels ne peut répondre aux besoins relationnels profonds des individus.
      La solitude est le mal de notre société occidentale. L’individualisme nous montre ici toutes ses limites et ses failles.

Pistes d’actions devant la demande d’aide active à mourir

            Face à sa situation dramatique, Saül ne voit que la solution de sa mort. C’est un choix radical !

            N’oublions pas que Saül est sans Dieu en ces instants. Il est uniquement ancré dans des certitudes humaines. Il est donc compréhensible qu’il veuille en finir. Il veut contrôler sa fin de vie afin de ne pas subir les outrages de ses ennemis.

            Personne n’a su lui présenter une autre alternative. Il a été confronté à deux personnes :

            – Son porteur d’arme qui refuse de lui donner la mort sans lui donner une autre issue. Cet homme avait à faire face à ses peurs. Il n’était pas en capacité d’une autre réflexion.
            – L’amalécite, s’approche pour permettre le coup fatal. Il n’a aucun lien personnel avec le roi et il s’appuie sur des pratiques de peuples étranger à Israël.

Il aurait été donc bien qu’une troisième personne s’approche pour répondre, autrement que par la peur ou l’aide active à mourir !

En tant que chrétien nous pouvons être cette troisième personne qui saura : 

  • Redonner un nouveau sens à son existence
    Tout au long de notre vie nous avons besoin de redéfinir ce qui lui en donne du  sens. Nous pouvons parler ici d’identité qui n’est pas figée mais évolutive.
    Se définir uniquement par nos capacités d’agir est risqué. Les détresses (physiques et psychologiques) viennent si facilement nous paralyser dans le faire. Une existence basée sur la notion utilitariste nous conduit irrémédiablement vers des choix de fin de vie radicaux.
    Jésus a pu dire: « la vie est plus importante que la nourriture et le corps plus important que les vêtements. »(Luc 12/23)
    Ce qui peut signifier que l’être vient avant le faire. Ce qui donne du sens à notre existence est qui nous sommes et non ce que nous faisons.

    Face à une personne qui n’a plus le faire pour donner du sens à sa vie il est nécessaire de valoriser son être en relation avec Dieu et avec le prochain.
  • Nourrir une espérance vivante
    L’espérance est au cœur du christianisme. Elle nous parle d’un avenir qui n’est pas le résultat de nos possibilités mais de l’amour de Dieu.
    Jésus a parlé à Pierre de son avenir de la façon suivante : « Vraiment, je te l’assure : quand tu étais plus jeune, tu mettais toi-même ta ceinture et tu allais où tu voulais, mais quand tu seras vieux, tu étendras les bras, un autre nouera ta ceinture et te mènera là où tu n’aimerais pas aller. » (Jean 21/18)
    Il est question ici de devenir dépendant des autres, d’être bridé dans sa volonté et ses actions. Comment avoir de l’espérance devant ce sombre avenir ? 
    Et pourtant, il est ajouté une remarque qui change tout : « par ces mots, il faisait allusion au genre de mort que Pierre allait endurer à la gloire de Dieu. »
    Dans cette phrase il est question d’un avenir formidable. Il ne concerne pas l’individu Pierre mais tous ceux qui seront au courant de la manière dont Pierre finirait sa vie.
    Toutes nos limitations et dépendances humaines peuvent être la gloire de Dieu. Une fin de vie nourrie d’espérance et d’amour peut devenir un héritage profond pour les générations futures.

    Montrons donc à la personne comment finir avec dignité son existence terrestre autrement que par mettre fin à ses jours.
  • Un accompagnement humain de proximité devant le sentiment d’isolement
    Nous sommes des êtres de relation. Développer des relations de qualités permet de faire face aux jours d’épreuves avec la force du collectif !
    Les premiers martyrs de l’Eglise n’étaient pas seuls mais ils se sentaient soutenus par une grande communauté et par leur Dieu.
    Au quotidien l’absence de relation aimante, fraternelle et inscrite dans un récit est dramatique. La dislocation des liens familiaux ne peut que contribuer au sentiment d’isolement profond chez des personnes en fin de vie.
    Il ne faut pas attendre les jours de détresses pour entretenir les relations soutenantes.

    Accompagnons les familles pour favoriser les liens intergénérationnels de qualité
    Soutenons les membres d’une famille qui auront à accompagner un proche en détresse physique ou psychologique.


            
De multiples facteurs influencent les décisions de chacun devant sa propre détresse. Notre principe premier est de tout mettre en œuvre pour favoriser l’intégralité de la Vie (physique, psychologique et spirituelle) dans la réalité présente de toute personne. Cela n’enlève pas le fait que l’acharnement thérapeutique n’est pas envisageable dans certaines situations.

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