L’AFP "Germes d’Espoir" a été invitée à une rencontre inattendue et très émouvante. Elle s’est déroulée dans les locaux de l’hôtel de ville de Strasbourg en présence du roi Ti Namo, à l'occasion de la sortie du film "Nous, Tikopia".
Interpellation suite à la rencontre avec le roi Ti Namo de l’île de Tikopia
Ti Namo, le roi de Tikopia (une des îles Salomon), est venu à Strasbourg parler de sa culture et nous alerter sur les dangers du réchauffement climatique. L’île de Tikopia est située au cœur de l’océan Pacifique, peuplée depuis plus de 3000 ans, elle compte aujourd’hui environ 2000 habitants. Elle subit des cyclones depuis quelques années.
Cela fait seulement une dizaine d’années que l’île est influencée par le monde moderne : en 2013, une antenne téléphonique y est installée, ce qui permet de relier l’île de Tikopia au monde extérieur. Avec la venue de cette technologie, l’île doit faire face à de nouveaux enjeux liés au monde moderne. Le roi et sa délégation sont venus afin d’alerter notre continent sur les risques du réchauffement climatique dont ils sont les premières victimes avec les cyclones.
Ce voyage est le premier des chefs de tribus et du roi Ti Namo en dehors de leur île.
A leur arrivée à l’aéroport et dans les villes Françaises, ils ont découvert un mode de vie qui leur est totalement étrange. La délégation s’est montrée fort étonné de nous voir courir constamment pour devoir acheter et vendre des biens et des services. L’argent n’existant pas chez eux.
Avec humour le roi a souri du fait de devoir : ”acheter des voitures pour aller travailler, de travailler pour gagner de l’argent et d’utiliser de l’argent pour pouvoir aller faire pipi (toilettes publiques) ! Quand les hommes n’apprennent plus à s’arrêter pour observer et pour évaluer ce qui est beau, il n’est pas étonnant que tout devienne pour eux objet d’usage voire d’abus !”
Lors des échanges de nombreuses questions ont été posées à la délégation de Tikopia concernant la famille et l’éducation des enfants. Les anciens, responsables des tribus, interviennent par exemple à l’école pour transmettre les valeurs importantes et mettre en garde les enfants sur les risques liés à des pratiques destructrices. Nous nous sommes rendu compte que malgré l’éloignement géographique et la différence de culture, les difficultés des familles sont assez proches, notamment dans la gestion de la révolution numérique, l’équilibre à trouver entre l’accompagnement bienveillant des enfants et la nécessité de leur poser des limites.
Le roi et ses habitants se sont convertis récemment à la foi chrétienne. Leur mode de vie est basé sur un lien fort avec la nature, et sur un modèle biblique qu’ils cherchent à mettre en œuvre au quotidien.
Nous avons pu échanger personnellement avec le roi Ti Namo grâce à un interprète. J’ai pu lui parler des actions de nos familles et de notre jardin partagé dans la ville. Il transmet ses chaleureuses salutations à toutes les familles. Il nous interpelle sur les risques liés au réchauffement climatique dont ils sont les premières victimes alors qu’ils ont su préserver leur île de tout déséquilibre depuis 3000 ans en respectant la nature et en ne prélevant que les ressources indispensables à leur vie simple quotidienne.
Cette rencontre m’a beaucoup interpelée et encouragée dans l’engagement que nous devons poursuivre vers une transition écologique du quotidien. Nous avons créé une association familiale protestante il y a 5 ans afin de nous impliquer dans notre ville. Depuis, la ville de Strasbourg nous a confié un grand terrain : un jardin partagé, un lieu dont il convient de prendre soin, mais aussi un lieu d’apprentissage.
Dans la famille, on apprend l’utilisation correcte des choses, le respect pour l’écosystème local et la protection de tous les êtres créés. La famille est le lieu premier de la formation de chacun, c’est un laboratoire d’innovation des petits gestes du quotidien et d’encouragements mutuels.
Cette transition au cœur des familles doit se vivre conduite par notre engagement chrétien et grâce à notre relation quotidienne au créateur. Réfléchir à une relation saine avec la création implique aussi de reconnaître ses propres erreurs, ou négligences, et de changer intérieurement.
La rencontre avec le roi Ti Namo nous rappelle que vivre la conversion chrétienne implique une réconciliation avec la création et que nous avons une responsabilité sur les conditions de vie des peuples du bout du monde : nos prochains.
Isabelle Schwebel
AFP Germes d’Espoir