Réflexion à partir du livre de Chantal DELSOL : La fin de la chrétienté

Une réflexion sur la chrétienté de la philosophe Chantal DELSOL

La chrétienté, finie en tant que civilisation

Selon la philosophe Chantal DELSOL, la chrétienté est finie en tant que civilisation. Elle ne parle pas du christianisme, qui n’est pas une religion perdue et qui continue à se déployer. 

La chrétienté, c’est la civilisation dans laquelle le christianisme apporte ses croyances, ses lois, ses mœurs, sa morale (une vision des limites entre le bien et le mal), une manière de vivre. « Et c’est ça qui est effacé depuis les années 50-60, même si l’effacement a débuté bien avant », explique-t-elle au micro d’André BERCOFF sur Sud Radio.

La période révolutionnaire a été le début de la fin de la Chrétienté. Ce début de la fin a peut-être même eu lieu au XVIème, XVIIème avec la philosophie des Lumières.

Une civilisation peut être comparée à un être vivant qui naît, se développe et meurt. La Chrétienté, vieille de 16 siècles, agonise. Et les soubresauts pour la maintenir en vie n’y peuvent rien.

Les fascismes et le franquisme en Espagne par exemple étaient de ces soubresauts. Leur but était de sauver les valeurs essentielles de la tradition occidentale, de réinstaurer la morale par la force, de sauver la morale traditionnelle.

Le régime de Vichy, régime politique autoritaire instauré en France durant la seconde guerre mondiale, promouvait des valeurs dites traditionnelles : le patriotisme, la famille, la religion.

 

DES EXPÉRIENCES QUI ONT DISCRÉDITÉ DURABLEMENT LE CATHOLICISME

La Chrétienté avait un socle qui en maintenait l’existence : la foi en une vérité transcendante, en l’occurrence, celle en un Dieu unique venu dans le monde. Or, ce socle s’est fissuré : La foi a été perdue et remplacée par des rites – des gestes et non la foi. Conséquemment, la Chrétienté s’efface et nous glissons vers l’âge des sagesses, du paganisme et des spiritualités orientales. Les religions asiatiques s’accordent bien au relativisme en ce qu’elles ne sont pas attachées à la notion de vérité. Elles ne brandissent aucun dieu, aucun dogme, aucune obligation.

Pour Chantal DELSOL, au fil des ans, la chrétienté a ainsi été remplacée par le cosmothéisme. « Il s’agit d’une nouvelle croyance. Lorsque la chrétienté s’efface, elle n’est pas remplacée par rien. Il reste un pourcentage non-négligeable de chrétiens. Mais les autres ne tombent pas dans le néant, ils se mettent à croire en d’autres choses. C’est une adoration du monde. C’est ce qui se développe avec l’écologie, qui est en train de devenir une religion (avec ses prophètes, son catéchisme dès les petites écoles, ses clercs, ses grands-messes, ses excommunications, etc.). Cela fait partie des nombreuses tendances qui tendent à remplir le vide », ajoute la philosophe.

La philosophe déplore la responsabilité de l’Église catholique dans l’effondrement de la chrétienté, en refusant toute forme de modernité : elle s’est opposée à l’égalité, à la liberté, à la liberté de conscience et de religion, et à la démocratie. Et ce, jusqu’au concile Vatican II, mais c’était trop tard !

 

À PROPOS DE LA MORALE

Il n’y a guère de choix moral qui ne s’appuie sur des croyances, même si celles-ci demeurent informulées ou inconscientes. Ainsi, parce que l’on croit en la fidélité en amour et en l’importance de la stabilité familiale, on évite le divorce. On s’oppose à l’IVG parce que l’on croit que le fœtus est déjà un être humain avec une pleine dignité. On refuse l’euthanasie parce que l’on croit que la vie ne nous appartient pas, que nous n’en sommes pas les maîtres légitimes, qu’elle nous est donnée par Dieu. Etc. Nos croyances expliquent nos choix éthiques. 

Or, comme l’homme moderne est détaché de toutes croyances, il n’a donc plus aucune raison de contraindre sa liberté individuelle ni son désir individuel par des lois morales exigeantes. La morale contemporaine est donc une morale entièrement tournée vers le bien-être de l’individu […] Ce qui compte, c’est le désir et le bien-être à l’instant même. Ainsi accorde-t-on pour chaque individu, de tout faire à la mesure de son désir. Les seules limites sont celles imposées par les impossibilités techniques. D’où les réformes dites « sociétales ».

Une remarque encore : quand ce ne sont pas les religions qui engendrent une morale, la morale vient de la société – aujourd’hui essentiellement politique et médiatique – et l’Etat en devient le gardien. « A la religion les rites ! A la politique et aux médias la morale ! »

Il est évident que nous, chrétiens évangéliques, sommes, par de nombreux aspects, à contre-courant de la nouvelle « morale sociétale ». Non pas que nous défendions la Chrétienté – c’est-à-dire un christianisme sociologique – en tant que telle mais son effondrement nous plonge dans cette période de transition dont on ne sait où elle va nous mener. Nous conduira-t-il au transhumanisme, comme Michel Onfray le pense ?

Chantal DELSOL affirme clairement ne pas pleurer non plus la Chrétienté : Elle « ne pense pas que ce soit une bonne affaire que d’avoir une Eglise si puissante avec des clercs d’une vanité et d’une prétention inouïes. » En fait écrit-elle, « Il n’est pas sûr que Dieu ait perdu au change. »

Au plan éthique, nous nous battons par éthique de conviction le dos au mur, presque pour l’honneur, pour le panache. La nouvelle morale submerge toute la société. Les combats pour maintenir les mœurs issues du Christianisme finissent par des échecs, même quand nos arguments – non dogmatiques – rejoignent ceux de non-chrétiens. Je pense aux réactions face aux lois sur l’IVG, sur la PMA (et bientôt sur la GPA) et au « mariage » entre personnes de même sexe. Les seuls arguments qui vaillent sont ceux en faveur d’une liberté individuelle de plus en plus étendue.

Dans ce contexte, grande est la tentation de s’extrémiser, de se radicaliser ou, à l’inverse, de se conformer et d’adapter notre théologie au temps présent.

 

RÉACTIONS

J’ai partagé sur Facebook cette synthèse du livre de Chantal DELSOL et mes commentaires ; ce qui a suscité de nombreux commentaires.

  • Des commentaires où, manifestement, on a confondu « Chrétienté », c’est-à-dire la civilisation issue du Christianisme, et le « Christianisme » lui-même.
  • Des commentaires défendant la Chrétienté, refusant sa fin et réaffirmant que « la Chrétienté peut toujours ressusciter » ou même que l’« on ne peut pas se contenter d’un vague règne du Christ qui serait repoussé à des perspectives purement spirituelles et eschatologiques. Le Christ doit aussi régner ici et maintenant dans nos sociétés. » Dans ce règne du Christ « ici et maintenant », on sent la nostalgie, et même le désir, d’une gouvernance politique par le religieux.
  • Des commentaires positifs, généralement du monde évangélique, pour réaffirmer que « Dieu y a plutôt gagné au change » avec la fin de la Chrétienté. Il faut quand-même nuancer car la chrétienté a été porteuse de valeurs positives : La foi en la vérité, la foi dans le progrès et la dignité intrinsèque de la personne humaine. De plus, peut-on se réjouir des conséquences de la perte d’influence du Christianisme – du catholicisme essentiellement – avec la chute du nombre de mariages, la hausse du nombre d’enfants nés hors mariage, la hausse du nombre de divorces, la banalisation de l’IVG et de l’homosexualité, la PMA « sans père » ? (Source : le livre du politologue Jérôme Fourquet « L’archipel français ».) 

 

Le bébé – la civilisation chrétienne – est-il à jeter avec l’eau du bain – l’intrication du religieux et du politique ? C’est dire que le débat « Chrétienté » vs « laïcité » reste ouvert. C’est un débat qui va au-delà du religieux : il inclut le civilisationnel aussi.

Ainsi, le philosophe athée Michel Onfray affirme regretter le déclin de la civilisation judéo-chrétienne et déclare se battre pour elle.

Voici ce qu’il affirmait dans l’émission « En Quête d’Esprit » sur Cnews le 21 mars 2021 : « La fin du sacré tuile avec la prochaine civilisation qui sera probablement post-humaniste. Rien ne pourra moralement interdire son avènement qui s’effectue avec d’actuelles transgressions qu’aucune éthique, aucune morale ne saurait arrêter. L’intelligence artificielle qui crée des chimères faites d’humain et d’animaux, la marchandisation du vivant, l’abolition de la nature naturelle au profit de l’artifice culturel, constituent une barbarie qui, un jour, sera nommée civilisation, car toute civilisation nouvelle est dite un jour barbare par les témoins de ceux qui voient la leur s’effondrer. Nous sommes dans le temps nihiliste du tuilage qui tuile la décomposition et le vivant (…). Eu égard à ce qui nous attend, et en regard de l’idéologie “woke“ qui travaille à l’avènement de ce nouveau paradigme civilisationnel, bien sûr que je regrette la civilisation judéo-chrétienne. Pour l’heure, je me bats pour elle. »

(Source : https://www.france-catholique.fr/Fin-de-civilisation.html)

Alain LEDAIN, administrateur des FNAFP

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Parmi les sources de cet article : https://www.sudradio.fr/societe/chantal-delsol-la-chretiente-est-finie-en-tant-que-civilisation

Construire une éthique sociale chrétienne Être chrétien dans la cité – Éveiller les consciences 

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